C’est la ritournelle de chaque fin d’année. Courses de Noël, sapin enguirlandé, rayons remplis de victuailles festives et de chocolats sous toutes leurs formes. Pas de doute, en ce mois de décembre, la saison des fêtes est bel et bien ouverte. Parenthèse enchantée de la consommation, c’est aussi la période la plus intense pour les commerçants et les fabricants – de jouets, en particulier – où va se jouer une grande partie de leur chiffre d’affaires annuel. Les chaînes logistiques sont à flux tendu, les camions de livraison débordent et les enseignes, comme les usines, appellent du renfort pour gérer les pics de commandes jusqu’au 24 décembre.
À vue d’œil, en traversant le grand marché de Noël de Paris-La Défense, l’on pourrait croire qu’il s’agit d’une année comme les autres. Les manèges tournoient, les enfants mangent des confiseries, les parents boivent du vin chaud, entre deux emplettes dans les chalets de Noël regorgeant d’idées cadeaux : rien ne laisse présager de la crise économique – fruit du cocktail détonnant d’inflation généralisée et de hausse des taux et des prix de l’énergie – qui plombe le pouvoir d’achat de milliers de Français. Les achats de Noël restent un budget sanctuarisé, avec une variable d’ajustement sur le menu de fête, ou encore, le nombre de cadeaux que l’on s’offre entre adultes. Un moindre effort. Mais jusqu’à quand ?
Car en 2024, en France comme ailleurs en Europe, les ménages n’ont pas profité des gains de pouvoir d’achat engrangés en début d’année, sous l’effet de la déflation des prix alimentaires. Selon l’Insee, la consommation est au point mort depuis trois trimestres et le taux d’épargne s’établit au deuxième trimestre 2024 à 17,9 %, encore largement au-dessus de son niveau d’avant-crise (14,6 % en moyenne en 2019) et même un point au-delà du niveau qu’il atteignait un an auparavant. Par rapport à 2019, c’est principalement la consommation de biens qui marque le pas : les dépenses alimentaires se sont repliées et un parfum d’attentisme s’installe dans les foyers. Comme si le pire était à venir.
Et il faut dire que le contexte politique, tissé d’incertitudes et de revirements successifs, n’a rien de rassurant. L’instabilité gouvernementale, comme celle des comportements d’achat, ne fait jamais bon ménage avec le commerce. Si les prévisions semblent plutôt optimistes – Havas Market révèle que (seulement ?) 56 % des Français prévoient de limiter leurs dépenses pour les fêtes, en léger recul par rapport aux 60 % de l’an dernier, l’on peut choisir de voir le verre à moitié plein. Après tout, le budget moyen pour les cadeaux de Noël en 2024, estimé à 261,40 €, n’est-il pas en progression par rapport aux 245,50 € de 2023 ? Néanmoins, 40 % des Français maintiennent leurs dépenses en dessous de 200 € pour leurs achats de fin d’année. Preuve de la tension qui pèse sur les portefeuilles : le recours solutions de paiement fractionné et à crédit se généralise, pour 26 % des Français interrogés. C’est aussi le signe que le numérique s’immisce de plus en plus dans le parcours d’achat des consommateurs jusqu’à leur offrir des outils de gestion et d’optimisation budgétaire.
Ces signaux faibles en disent long sur une nouvelle forme de consommation, contrainte, plus raisonnée, parfois éthique mais toujours opportuniste. Fini la magie de Noël, bonjour la réalité, en janvier, avec un nouveau budget et une cure d’austérité. Comme le clamait Tancrède dans le Guépard de Visconti : « il faut que tout change pour que rien ne change ».
Toute l’équipe de Points de Vente
vous souhaite de bonnes fêtes
et vous donne rendez-vous le 3 février
Francis Luzin, Directeur de la publication